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Une oeuvre accompagnée d'un certificat d'authenticité vaut de l'or. Sans certificat, elle ne vaut rien...
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
Introduction
INTRODUCTION
01 Mai 2000 |
Cet article se compose de 3 pages.
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(Ceci est une chronique de la vie du marché de l'art appelée un jour à être éditée après avoir été corrigée car certains faits demandent parfois à être plus amplement vérifiés) Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles concernant le marché, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, le marché de l'art n'aurait sûrement rien de légendaire ou de pittoresque. Ainsi, il ne se passe pas un jour entre le mois d'octobre et la fin du mois de juillet sans que ce marché bruisse d'événements, d'affaires extraordinaires ou scabreuses et de rumeurs sur des trouvailles et des ventes fantastiques. Par exemple, le nom de Wildenstein impose le plus grand respect parmi les grands marchands et collectionneurs. Craint, admiré ou honni, Daniel Wildenstein règne depuis plus de quarante ans à Paris et sur le marché mondial comme un pape de l'expertise concernant Fragonard, d'autres maîtres de la peinture du XVIIIe siècle, Claude Monet, Edouard Manet et bien d'autres encore puisque, par le biais incontournable de son Institut situé rue La Boétie, il préside à l'élaboration ou à la révision d'autres catalogues raisonnés concernant Kees Van Dongen, Odilon Redon, Amédéo Modigliani, Maurice de Vlaminck et maintenant Renoir parmi une bonne pléiade d'artistes. Sans lui, une oeuvre exceptionnelle, découverte fortuitement dans une foire à la brocante, une cave, un grenier ou lors d'un inventaire après décès au domicile d'une personne qui ne se préoccupait pas de la valeur de ses biens, ne vaudra rien sans son avis. Bref, il fait la pluie et le beau temps et rares sont les gens qui peuvent ou osent le contredire ou encore l'attaquer en justice. Certains essaient toutefois, comme cette dame vivant du côté de Macao qui a acheté un jour à Lisbonne un tableau représentant une femme assise dans un jardin qu'elle prétend être de la main de Manet. Hélas, M. Wildenstein en a jugé autrement et a laissé la propriétaire de cette belle peinture s'échiner à essayer de faire authentifier son tableau par d'autres instances. Mais à chaque fois, on a fini par lui dire que seul M. Wildenstein avait autorité pour déterminer si son tableau était bon ou pas. L'expert a ainsi l'habitude de dire «je ne reconnais pas la main du peintre», une phrase suffisante pour signifier que l'œuvre ne passera pas la rampe. Manet, "Femme au jardin"
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(Ceci est une chronique de la vie du marché de l'art appelée un jour à être éditée après avoir été corrigée car certains faits demandent parfois à être plus amplement vérifiés) Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles concernant le marché, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, le marché de l'art n'aurait sûrement rien de légendaire ou de pittoresque. Ainsi, il ne se passe pas un jour entre le mois d'octobre et la fin du mois de juillet sans que ce marché bruisse d'événements, d'affaires extraordinaires ou scabreuses et de rumeurs sur des trouvailles et des ventes fantastiques. Par exemple, le nom de Wildenstein impose le plus grand respect parmi les grands marchands et collectionneurs. Craint, admiré ou honni, Daniel Wildenstein règne depuis plus de quarante ans à Paris et sur le marché mondial comme un pape de l'expertise concernant Fragonard, d'autres maîtres de la peinture du XVIIIe siècle, Claude Monet, Edouard Manet et bien d'autres encore puisque, par le biais incontournable de son Institut situé rue La Boétie, il préside à l'élaboration ou à la révision d'autres catalogues raisonnés concernant Kees Van Dongen, Odilon Redon, Amédéo Modigliani, Maurice de Vlaminck et maintenant Renoir parmi une bonne pléiade d'artistes. Sans lui, une oeuvre exceptionnelle, découverte fortuitement dans une foire à la brocante, une cave, un grenier ou lors d'un inventaire après décès au domicile d'une personne qui ne se préoccupait pas de la valeur de ses biens, ne vaudra rien sans son avis. Bref, il fait la pluie et le beau temps et rares sont les gens qui peuvent ou osent le contredire ou encore l'attaquer en justice. Certains essaient toutefois, comme cette dame vivant du côté de Macao qui a acheté un jour à Lisbonne un tableau représentant une femme assise dans un jardin qu'elle prétend être de la main de Manet. Hélas, M. Wildenstein en a jugé autrement et a laissé la propriétaire de cette belle peinture s'échiner à essayer de faire authentifier son tableau par d'autres instances. Mais à chaque fois, on a fini par lui dire que seul M. Wildenstein avait autorité pour déterminer si son tableau était bon ou pas. L'expert a ainsi l'habitude de dire «je ne reconnais pas la main du peintre», une phrase suffisante pour signifier que l'œuvre ne passera pas la rampe. Manet, "Femme au jardin"
J'ai moi-même essayé de faire authentifier un Manet représentant le portrait d'Emile Zola, signé «E M» par l'intermédiaire d'une personne qui m'avait affirmé bien connaître M. Wildenstein. Le verdict, délivré en trois minutes, a été sans appel. Il ne reconnaissait pas la main de Manet dans cette oeuvre malgré l'ancienneté de la toile, l'audace des coups de pinceau et la présence de traits similaires à ceux qu'on peut trouver dans des oeuvres authentiques de ce dernier. J'ai aussi présenté une aquarelle de Modigliani, une «Cariatide», restée six mois à l'étude à l'Institut Wildenstein. Au début, il y avait de bonnes chances que cette oeuvre fût bien de la main de ce cher Amédéo. Mais au final, j'ai reçu une lettre m'indiquant qu'elle ne serait pas ajoutée dans le catalogue raisonné sur Modigliani avec cependant une indication difficile à comprendre, à savoir que cet avis n'était en rien une expertise propre à déterminer si cette aquarelle pouvait être jugée fausse ou authentique. En conclusion, j'ai eu droit à un ni oui ni non qui pouvait me laisser songeur pour longtemps. Après tout, il se pourrait bien qu'elle soit en fait de Modigliani surtout que récemment, on a vendu à Drouot des dessins de Manet sur catalogue avec la mention suivante: «Cette oeuvre ne sera pas ajoutée à l'additif du catalogue raisonné sur Manet». On peut comprendre que M. Wildenstein soit prudent et qu'il ne délivre des avis favorables qu'avec parcimonie, ce qui n'empêche pas certains petits malins d'aller solliciter des gens huppés de sa connaissance pour leur confier des oeuvres à authentifier - en échange d'une grosse commission en cas de succès - afin de faire croire qu'à l'occasion d'un grand ménage chez soi, elles ont été découvertes dans une pièce servant de débarras. Il y a donc des mensonges qui peuvent éventuellement rapporter gros... Parfois, la chance sourit à certains, comme à ce marchand du marché Jules Vallès à St Ouen qui durant les années 1980 se porta acquéreur pour moins de 400 FF d'une marine de Manet lors de la dispersion dans une salle de vente de Versailles de la collection René Thomsen et que M. Wildenstein racheta pour une belle somme. La chance se permit également de sourire à ce petit chineur qui vit du RMI depuis vingt ans, qui acquit en février 1995 à Drouot pour 754 FF frais compris une toile non signée représentant un paysage de montagne en Norvège avec la mention «Monet» écrite au crayon au verso du cadre supportant cette oeuvre. Un ami se proposa de la présenter à un expert réputé qui fut d'avis qu'il s'agissait plutôt d'une vulgaire croûte des années 1930 mais notre chineur, nullement découragé pour autant, alla à la bibliothèque du Centre Beaubourg où il découvrit dans un ouvrage sur Monet que celui-ci avait peint une série de huit toiles en Norvège et que trois d'entre elles n'avaient pas été retrouvées à ce jour.
Il alla ensuite voir un restaurateur de tableaux afin de procéder au rebouchage de trois trous et ce dernier lui conseilla de présenter son paysage à Sotheby's où on l'accueillit avec circonspection mais il fit des pieds et des mains pour inciter son interlocuteur à le présenter à M. Wildenstein, qui, Ô Miracle! rédigea un certificat d'authenticité trois semaines plus tard. Le paysage de Norvège de Monet fut revendu en juin 1995 chez Sotheby's pour un million de francs, une somme plutôt modeste pour une oeuvre de ce maître de l'Impressionnisme mais représentant un beau pactole pour notre petit chineur. Monet, "Paysage de Norvège, Skandiken" M. Wildenstein est ainsi tout puissant mais on laisse croire qu'à 80 ans sonnés il est devenu un colosse aux pieds d'argile. Le vieux marchand légendaire a peut-être commencé à perdre un peu de sa superbe après le divorce tapageur de son fils et les propos peu amènes envers sa famille de la part de son ex-belle-fille. Après aussi l'affaire évoquée par les journaux de ces tableaux de la collection Rouart qui auraient été confiés à sa galerie pour se retrouver mystérieusement dans le coffre de François Daulte, feu l'expert de Renoir et de Sisley, ainsi qu' à la suite du procès engagé contre l'écrivain Hector Feliciano qui avait osé écrire dans son livre «Le Musée Disparu», paru en 1995, que son père Georges aurait à partir de New York, où il était réfugié, entretenu durant l'occupation des relations commerciales avec les Allemands à travers le directeur de sa galerie parisienne, un certain Decquoy que les nazis avaient considérés à leur façon comme un bon Aryen… De telles allégations avaient de quoi sacrément ternir la réputation de la famille Wildenstein qui n'hésita pas à attaquer en diffamation l'insolent Feliciano. Après avoir perdu en première instance, la famille a néanmoins subi un camouflet suprême de la part de la Justice suite à la décision de la cour d'appel laquelle a estimé le 12 mai 2000 que les écrits de M. Feliciano n'étaient apparemment pas sans fondements. Ainsi, selon l'écrivain, le grand marchand Georges Wildenstein, bien que victime des exactions allemandes, avait mené un double jeu en se livrant à des activités commerciales avec les nazis durant la guerre. De tels écrits avaient de quoi salir le nom des Wildenstein. Maintenant, ce jugement exonère l'écrivain et fait planer une ombre sur la réputation du grand marchand que fut Georges Wildenstein. Voilà de quoi irriter son fils Daniel, considéré comme un pape du marché de l'art, et faire jubiler ses ennemis.
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